Le réemploi et la couverture décennale

L'assurance décennale est obligatoire et couvre les dommages les plus graves pouvant affecter le bâtiment dans les dix années qui suivent sa livraison. Qu'en est-il lorsque des matériaux issus de la filière du réemploi ont été mis en oeuvre sur le chantier ?
L'assurance décennale et la construction verte
L'assurance décennale couvre l'entreprise responsable en cas de dommage qui rendrait l'ouvrage impropre à sa destination ou qui compromettrait sa solidité. Cette couverture d'assurance est obligatoire. Néanmoins, avant d'assurer leurs clients, les compagnies se basent sur des données fiabilisées pour évaluer la nature et la probabilité d'occurrence du risque à couvrir.
Le réemploi est une pratique vertueuse qui s'impose à tous les niveaux. En premier lieu pour des raisons environnementales, mais aussi pour faire face à la hausse des prix et aux éventuelles pénuries de matériaux. Tout concourt à la généralisation de ces démarches sur les chantiers de déconstruction/reconstruction, mais aussi en construction neuve avec des matériaux et des équipements récupérés ex-situ.
Dans l'ensemble, le secteur du BTP et les filières de la valorisation des déchets sont prêts à passer à l'action. Mais tous les acteurs n'avancent pas au même rythme. Le réemploi reste une pratique relativement récente. Pour l'assureur, le risque est moins maîtrisé comparé aux travaux relevant des techniques courantes.
Si la mise en oeuvre de matériaux et d'équipements issus du réemploi n'est pas considérée comme appartenant aux techniques courantes, est-ce que l'entreprise reste couverte en cas de sinistre ?
Réemploi : des entreprises non couvertes en cas de sinistre ?
Au cours de la dernière décennie, nombre d'assureurs ont été échaudés par la sinistralité des travaux d'installation de panneaux solaires photovoltaïques. On parle de quelques centaines de millions d'euros de dommages. Ces pratiques relativement nouvelles relèvent des techniques non courantes, plus à risque, et vis-à-vis desquels les compagnies d'assurance se montrent plus réticentes.
Le réemploi fait partie de ces démarches " innovantes " pour lesquelles nous manquons encore de visibilité et de cadre réglementaire bien précis. Mais si le fait d'utiliser un matériau déposé sur un autre chantier relève de pratiques non courantes, l'entreprise est-elle non-couverte pour autant ? Pas si sûr.
En théorie, l'indemnité perçue en cas de sinistre pourrait se trouver dévaluée du fait d'une erreur de déclaration concernant la nature courante ou non courante des techniques employées. La sanction de l'erreur est alors proportionnelle à la sous-estimation du taux de prime.
Par ailleurs, les activités couvertes par la police d'assurance ne devraient pas faire l'objet de restrictions en vertu des techniques de mises en oeuvre. C'est du moins en ce sens que la Cour de cassation a tranché en 2008. En somme, la jurisprudence tend à accorder plus d'importance à l'objet de l'activité couverte, qu'aux modalités d'exécution de l'activité déclarée à l'assureur.
Pourquoi le réemploi relèverait-il des techniques non courantes ?
Le classement aux techniques non courantes du réemploi n'a rien d'évident. A première vue, il pourrait se justifier par le fait que les produits réemployés à proprement parler ne soient pas mentionnés dans les documents techniques unifiés (DTU). Ces matériaux n'entrent pas non plus dans le champ des référentiels applicables aux produits neufs.
D'aucuns pourraient rétorquer que les DTU ne précisent pas non plus qu'il faille obligatoirement utiliser des produits non-issus du réemploi... Quant au caractère " neuf " du produit, il arrive que les matériaux issus de la filière du réemploi proviennent des surplus inutilisés.
Autre critère pouvant être prévu par les DTU : la norme NF. Or, celle-ci concerne la vaste majorité des matériaux réemployés, exception faite des sites de dépose plus anciens. Alors que faire ?
Pour l'instant, une approche au cas par cas
Compte tenu de la variété des matériaux, des configurations et de l'historique des éléments propre à chaque site de dépose, la stratégie qui l'emporte est celle du cas par cas.
L'assurabilité de la démarche est évaluée chantier par chantier selon l'état des matériaux et des équipements mobilisés. Toute la question pour l'assureur est de savoir à quel point un produit déposé et réinstallé peut assumer ses fonctions dans des conditions autres que celles initialement prévues. Les pratiques d'évaluation du réemploi se déroulent en plusieurs temps : l'analyse du gisement de matériaux disponibles ; la description des conditions de réinstallation des matériaux ; et la définition des performances attendues sur le nouveau site.
Les gisements de réemploi sont préalablement validés avec, le cas échéant, la réalisation de tests complémentaires pour s'assurer que les produits identifiés puissent effectivement être réemployés in situ ou ex-situ.
Le caractère réemployable dépend aussi de la maîtrise des différents maillons de la chaîne de valorisation. La dépose ne doit pas endommager les matériaux. Le conditionnement, le stockage et le transport doivent préserver l'intégrité du produit déposé jusqu'à sa livraison sur le site de réinstallation.
Ce que l'assureur attend, ce sont des analyses de risque, des essais techniques... En somme, des données concrètes qui peuvent valider le réemploi.
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